Le Tameshigiri : Historique :
Littéralement " TAMESHIGIRI " signifie Test de Coupe .
Les tests de coupe des lames japonaises sont de très loin les plus sophistiqués qui aient jamais été réalisés par une civilisation sur des armes blanches de sa création .Dans l'effet , ce terme est apparu durant la période EDO , c'est-à- dire en période de paix .
Son but était précisemment de tester les facultés de coupe des lames des sabres ( essentiellement ) , katana et wakizashi ,
fabriqués par les forgerons et étaient éxécutés par des samourais , qui se sont souvent spécialisés dans cet exercice, qui se trouvaient généralement employés par des seigneurs , daimyo , shogun voire empereur et qui testaient les lames destinées à leur acquisition personnelle ou à leur troupes .De toute évidence , ces tests en période de guerre , comme notamment durant le SENGOKU JIDAI , ( " l' ère des pays en guerre" ) qui dura de 1467 à 1568 et même durant la période dite " d'unification " du pays qui dura de 1568 à la totale domination des TOKUGAWA vers 1615 étaient réalisés " grandeurs natures " .
Cela signifie que durant ces périodes et avant bien sur , on testait ces lames sur les combattants ennemis voire même sur
les premiers passants rencontrés au coin du chemin , méthode peu cavalière nommée " TSUJI GIRI " ( littéralement : " trancher à la croisée des chemins " !!! ) , sans guère plus de souci que celui de sa conscience ....
D'ailleurs , le plus connu de ces " TSUJI GIRI " est malencontreusement advenu au détriment d'un forgeron reconnu ,
HANKEI , que l'on retrouva tranché en KESA GIRI au détour d'un chemin au petit matin . Comme Quoi ....
Sans doute , les tests de coupe dans l' esprit , à savoir " qualifier l'efficience ou pouvoir tranchant de la lame " existaient-ils depuis longtemps ( on en recense officiellement en date du XII ème siècle mais il devait s'en trouver déjà avant ) mais son formalisme et sa réalité étaient plus anecdotiques et particulièr que lors de la période EDO .
En effet , sans combat , les lames acquirent un attrait certes plus esthétique mais se devaient de conserver leur efficience d'armes martiales.
Ces tests provenaient d'ailleurs le plus souvent d'une demande du principal intéressé , à savoir le forgeron , qui pour conserver l'aura de son savoir-faire se devait de prouver que sa lame n'avait rien à envier aux lames ancestrales .Pour cette cérémonie , on peut employer ce mot , le forgeron , à fortiori si cette épreuve se déroulait en présence de
seigneur(s) , les Daimyo voire du shogun ou même de l' empereur , revêtait les habits blancs , la tenue de sacrifice , dans le
but ultime , si les tests échouaient , de sauvegarder son honneur en se faisant " SEPPUKU " ( ou HARAKIRI ) .
Dans le cas contraire , sa renommée était faite , les résultats des tests , SAIDAN MEI ou TAMESHI MEI , la date et même
quelquefois le nom du testeur , était inscrits en lettres d'or sur le Nakago du sabre .
Une famille s'était justement fait une spécialité de ces tests : La famille YAMANO : avec YAMANO KAEMON ,YAMANO SANJURO et YAMANO ASEOMON .
Ils furent nommés testeurs officiels avec le droit d'utiliser des criminels condamnés et donc inscrivaient sur le nakago en lettre d'or , les résultats de leurs tests , conférant à la lame une nette valeur ajoutée .
Les résultats pouvaient être du genre : " mitsu do saidan " soit " a coupé trois corps au tronc " .
Evidemment , l'augmentation du prix de lames testées positivement entraina de nombreux faux , même sur des lames issues de prestigieuses forges notamment le célèbre KOTETSU dont les SAIDAN MEI furent nombreux .
Il semble cependant que ceux-ci résultaient le plus souvent des relations amicales entretenus par l'artisan avec des testeurs .Ces testeurs possédaient généralement leur propre poignée en bois utilisée pour tester les lames nues .
Le testeur en chef du shogun TOKUGAWA de l'époque , YAMADA ASAEMON YOSHIMASA , de la famille précitée , aurait testé de nombreuses lames du forgeron MUNETSUGU .
Cette famille avait fait de leur ouvrage , un " art " si l'on peut dire , ne laissant rien au hasard comme le prouve la photo
" cutting test ",véritable " catalogue " complet de l'éventail de possibilités qui leur était offert lors de leurs interventions .Le pouvoir de coupe servait également de classification pour les lames .
SAIJO WAZAMONO signifie par exemple " suprêmement coupant " dans ce classement .
YAMANO ASEOMONE YOSHITOSHI classa , dans un ouvrage de 1815 intitulé " KENBO KENJAKU " , le contenu de ses tests . Ceux-ci peut tout de même paraître assez " effrayants " aujourd'hui aux civilisés que nous sommes .
Cet ouvrage relate également des anecdotes , vraies ou fausses , telle la suivante :
Un voleur capturé est condamné à être tranché en KESA GIRI ( ou robe de moine ) c'est-à-dire en diagonale depuis l'épaule jusqu'à la hanche opposée .
Le dialogue entre l'accusé et son bourreau-testeur , SHOAMI DENNOSUKE , fut en résumé , le suivant :- c'est toi qui doit me trancher ?
- Oui , c'est moi .Tu as été condamné à être découpé vivant .
- Et comment vas-tu me découper ?
- Je vais te trancher en KESA .
- Oh ! c'est trop cruel !
- Vivant ou mort , quelle différence ça fait .
- Si j'avais su , j'aurais avalé quelques grosses pierres pour ébrécher ta lame .Si elle est vraie , cette histoire dut se terminer par l'irrémédiable découpe du coupable .
Ces tests étaient effectivement régulièrement éxécutés sur des condamnés à mort . Cependant , comme aurait pu le dire le " LAFONTAINE " nippon s'il y en avait eu un , " que vous soyez puissant ou misérable..." vous ne mourrez pas de la même façon .
En effet, passe-droit était accordé aux religieux et samourai qui bien que condamnés à la peine capitale , ne pouvaient décemment pas être soumis à un traitement aussi indélicat et dégradant . Dont acte !!!
Les différents tests pouvaient prévoir de trancher diverses parties de corps . Certains étaient également réalisés sur des corps de morts empilés les uns sur les autres .
L'un des records inscrits sur un nakago date de 1681 et appartient à une lame de KANEFUSA en SEKI , qui a permis de trancher 7 corps empilés !
Un lieu spécifique avait été réalisé à cet effet : le DODAN . ( voir photo ci-contre ) .
Il s'agissait d'un monticule de sable dans lequel 4 forts piquets de bambou étaient plantés pour y attacher et y maintenir
solidement le condamné . Le sable était filtré , exempt du moindre caillou afin de ne pas esquinter la lame , le condamné était installé , calé sur un petit tas de sable positionné en rapport avec la technique de coupe choisie .
( voir photos ci-contre ) .
Hors-mis ces tests " ultimes " les lames étaient le plus souvent testées sur des barreaux de chêne vert de 4 cm de coté ,
des bois de cerf également verts voire attendris par trempage .
Plus redoutables , les casques en métal qui étaient irrémédiablement fendus sur 10 cm ou pire des lingots de cuivre ou de plomb risquant d'endommager des lames pourtant précieuses .
Un test de ce type fut réalisé il y a quelques années sur un vieux casque traditionnel par un forgeron moderne
YOSHINDO YOSHIHARA , aujourd'hui MUKANSA et par ailleurs bien connu de plus pour avoir collaboré à l'écriture des ouvrages " The Craft of the Japanese Sword , The Art of Japanese Sword Polishing et Modern Japanese Swords&Swordsmiths " de Leon&Hiroko Kapp .
Son test réalisé bien évidemment devant témoins a été une réussite et prouva l'efficience des lames modernes .
Le Tameshigiri Aujourd'hui :
RAPPEL : TAMESHI GIRI ou les facteurs d'efficacité d'une lame .( rappels du chapitre XI )
Les facteurs d'efficacité tiennent d'abord à la maitrise de l'expert dans l'art du Tameshigiri ainsi que les qualités propres de la lame.
Le premier facteur concerne tout d'abord la vitesse de la lame lors de sa prise de contact avec la cible.
Celle-ci est le résultat, d'une part de la stabilité du corps joint à une parfaite décontraction des bras et des épaules.
La tenue du sabre doit être aussi parfaite, ainsi la lame ne doit pas vriller à l'impact, une coupe en virgule est moins efficace qu'une coupe rectiligne.
Généralement, on conseille d 'éxécuter un mouvement de torsion SHIBORI ( comme pour essorer un linge ) sur la poignée du katana ( de la même façon que lors des katas ) .
Ce mouvement aide , d'abord , à pousser la coupe en contractant ses muscles afin d'avoir la " force nécessaire ", ensuite , évite à la lame de vriller, et pour finir maintient la coupe droite.
L'angle de coupe n'est pas identique suivant les matériaux, le bambou s'attaque à 45° tandis que la paille de riz peut se couper de 45 à 90°.
Les bras n'ont qu'une force limitée . L'art de la coupe qui poursuit en cela le IAI classique , fait usage de la hanche IAIGOSHI
( mouvement d'inertie ) et du déplacement du corps pour appuyer le coup.
La lame subit une accélération très importante dont le maximum a lieu au point d'impact .
La coupe doit être appuyée par une énergie physique et mentale et parfaitement contrôlée ( KIME ).
Le second facteur d'efficacité réside dans la qualité de la lame : paramètre très important . Le Katana traditionnel est affuté comme un rasoir, car sa structure double, générée par une trempe sélective, lui permet d'obtenir une très forte dureté.
Le véritable secret du sabre japonais est l'affutage. Ce dernier commence à l'arête de la lame et englobe
tout le biseau de celle-ci. L'angle ainsi réalisé est d'environ une dizaine de degrés .
Les Axes de Coupe :
Les coupes sont réalisées selon le " style des coupes dans les huit directions " ( Happo giri ).
Sur un cadran solaire, les coupes sont répertoriées comme suit:
12H coupe verticale de haut en bas, à 6H coupe verticale de bas en haut ( pratiquement irréalisable )
2H coupe oblique de haut en bas et de doite à gauche, 10H même coupe mais de gauche à droite
3H coupe latérale de droite à gauche, 9H même coupe mais de gauche à droite.
4H coupe oblique de bas en haut, de droite à gauche, 8H même coupe mais de gauche à droite.
Ces coupes sont classées par ordre de difficulté de réalisation :
- Les coupes faciles sont les coupes de haut en bas en oblique de gauche à droite ( kesa giri ) et verticale ( kiri otoshi/oroshi) : le mouvement du corps est naturel dans son déplacement.
- Les coupes moyennement difficiles sont les coupes latérales ( yoko giri ), et par conséquent les plus difficiles à réaliser sont les coupes obliques ( gyaku kesa kiri ) et la verticale de bas en haut parce que le mouvement n'est pas naturel en soi .
Processus de coupe :
Il n'y a pas de secret dans les coupes, la force doit provenir essentiellement du mouvement de rotation du corps concentré au niveau des hanches.
Dans le cas des coupes latérales, le mouvement est renforcé d'une translation du poids qui aide l'action de la hanche.
Lors de la coupe, on arme le sabre en retrait ( furi kaburi ) pour emmagasiner l'élan suffisant, puis on coupe la cible
( kiri tsuke ) et l'on reste vigilant ( zanshin ) afin d'excécuter une autre coupe dans l'immédiateté face à autre adversaire potentiel.
La fin de la coupe est décidée par le geste d'égoutter la lame d' un sang , virtuel de nos jours , puis d'un rengainage , nôto , dans le fourreau ( saya ).
Le sabre est orienté tranchant vers le ciel afin qu'il glisse correctement sur le dos de la lame ( mune ).
Anatomie d'une coupe :
Pour un samuraï, la finalité du tameshigiri était l'efficacité au combat.
Les techniques portées sur une botte de paille sont transposables à celles portées sur un combattant adverse.
Le Katana est une arme de taille : son but est de provoquer soit une atteinte au système circulatoire ( hémorragie ) soit une destruction du d'une partie du système nerveux ( choc nerveux et perte du contrôle d'une partie du corps ).
Un autre style d'atteinte est l'immobilisation de l'adversaire par sectionnement musculaire ou tendineux ( coup de JARNAC en europe ).
De nos jours, pour mieux donner un réalisme à ces techniques, la cible doit être épaisse ( 20 cm ) et avoir une certaine hauteur ( 80 cm ) afin de représenter le tronc d'un être humain.
La partie supérieure sera la tête, elle s'attaque par une coupe verticale ( kiri otoshi ou kiri oroshi ) ou oblique ( migi ou hidari kesa giri ). Ces attaques sont portées au niveau de l'occiput et des tempes pour provoquer un choc nerveux.
Si la coupe est forte, elle peut ouvrir la boite cranienne et atteindre le cerveau infligeant une paralysie du corps ou la mort
instantanée par choc nerveux.
De plus décisives, qualifirons nous les coupes obliques portées au niveau des carotides ( migi et hidari kubi ). Leurs buts sont les artères sous clavières qui entrainent la mort de l'adversaire en moins de dix secondes .
Les attaques en milieu de botte correspondent aux attaques des poignets et avant-bras ( migi et hidari kote ). Elles sont faciles en situation de combat et efficaces pour désarmer un adversaire .
Autre avantage, elles provoquent le sectionnement des artères cubitale et radiale, ce qui entraine la mort en quelques minutes par hémorragie .
Les dernières coupes obliques et surtout latérales, en base de la botte, représentent les attaques au niveau du ventre et des flancs ( sous les cotes flottantes par souci d'efficacité ).
L'adversaire armant son sabre, découvre cette partie du corps et les flancs offrent une facilité d'atteinte .
Ces coupes ( migi et hidari do ), la première technique va toucher le foie et la seconde la rate, deux organes fortement vulnérables par choc nerveux et hémorragie . Les mouvements suivants ( voir le chapitre 11 ) chiburi ( égoutter le sang avant le rengainement ) et celui-ci nôto .
Les Arts martiaux de Coupe :Batto do : Le battodo ( Battojutsu ) est une discipline dans l'apprentissage du sabre japonais au même titre que le kenjutsu, le kendo et l' iaido.
Il était enseigné dans les koryu (écoles anciennes). Certaines koryu perpétuent cet enseignement.
Le battodo est l'art de la coupe . L'entraînement au battodo se fait sur des bottes de paille ou sur des roseaux tressés.Sommaire :
1 Technique
2 Décomposition
3 Liens externes
4 Références
Technique :
Premier lieu, sur une longue pratique, d'abord à deux sous forme de kihon , puis seul dans le même esprit. Le seitei toho batto do se divise en quatre niveaux d'étude comprenant chacun cinq kata.
Chacun d'eux correspond à une situation de combat particulière telle qu'on peut l'imaginer en iaido ou kenjutsu .
À partir de cette idée, il est impossible de scinder le seitei toho batto do des autres disciplines complémentaires telles le iaido et le kenjutsu, apportant les connaissances à la pratique plus large de l'escrime japonaise traditionnelle. Le but n'est pas prioritairement de trancher. La coupe doit être la résultante d'un ensemble de facteurs et ne prend son sens que dans la globalité de la technique .Décomposition :
Les trois premiers niveaux , shoden , niveau de base , chuden , niveau intermédiaire , okuden , niveau supérieur se pratiquent seul face à une cible. Seul le dernier kata d' okuden requiert deux adversaires et donc deux cibles. Le quatrième niveau , kumitachi , est la mise en confrontation de deux partenaires sur une même cible .
Shinkendo : le Shinkendo, de shin, véritable ou sérieux, de ken, sabre ou lame, et enfin do, la voie. Le shinken désignant un sabre à lame aiguisée (contrairement à un iaito ), Shinkendo signifie donc La voie du vrai sabre .
Le Shinkendo a été fondé par Sensei Toshishiro Obata , qui en est toujours l'instructeur-chef.
Le Shinkendo est un art martial japonais qui vise à enseigner le maniement du sabre japonais. Cet enseignement s'oriente autour de 5 aspects (Gorin Goho Gogyo), dont les 4 premiers se pratiquent avec un sabre en bois, appelé bokken :
Suburi : Exercices individuels de déplacements et maniements dans le vide.
Battoho : Exercices individuels visant à travailler l'art de trancher en dégaînant.
Taren Kata : Exercices de combats codifiés contre un ou plusieurs adversaires imaginaires.
Tachiuchi : Exercices de combats codifiés avec partenaire(s).
Tameshigiri : Tests de coupe sur cibles avec un shinken.Le Shinkendo enseigne le maniement du sabre japonais de manière sûre et efficace. Les tests de coupe permettent aux pratiquants de perfectionner le positionnement des mains sur la tsuka ( poignée du sabre ), de corriger son angle de coupe, d'adopter une position appropriée et une distance de combat plausible . Le matériel utilisé pour les tests de coupe consiste en des nattes de paille roulées ( tatami omote makiwara ) ou des tiges de bambou ( take ). La pratique des tests de coupe distingue ainsi radicalement le Shinkendo des autres styles, sportifs ou philosophiques, de maniement du sabre .
Chapitre 12 : Tameshigiri |
---|